dimanche 15 décembre 2024

Avez-vous songé à chercher votre ancêtre dans le journal?

 

L’autre jour, une amie, qui voulait retrouver la trace d'un grand-père parti en Ontario dans les années ’40, m’a demandé de lui suggérer une source avec laquelle elle pourrait retracer son aïeul. Je lui ai spontanément répondu : « Les journaux ! ». Suggestion à laquelle elle réplique: « Je te remercie pour l'idée des journaux, mais comme j'ai l'impression qu'il est mort seul et qu'il est enterré dans une fosse commune… », sous-entendant qu’il n’y avait pas de raison de publier sa nécrologie. Il y a pourtant bien plus que la publication des avis de décès dans les journaux.

De nos jours, on retrouve souvent un « cahier des bébés de l’année » dans le premier numéro du mois de janvier de certains quotidiens. Cette habitude de publier les naissances dans les journaux remonte presque au début de l’existence même de ces périodiques. À l’époque, les gens n’attendaient pas au jour de l’An pour le faire. Celles-ci étaient habituellement publiées au fil des jours dans le journal local. On retrouvait le même genre d’annonces pour les mariages, les fiançailles et les décès.

Certains de vos aïeux ont possiblement fêté leurs noces d’or. Il n’était pas rare de voir la publication de longs articles au sujet des jubilaires racontant leur vie et celle de leur progéniture. On rapportait en détail les cérémonies soulignant l’anniversaire ainsi que la liste des invités et des cadeaux offerts pour l’occasion. Ces nouvelles se retrouvaient même parfois à la une ! Elles s'avèrent fort utiles aux généalogistes.

Si votre ancêtre est décédé de façon accidentelle, il y a sûrement un article qui a été publié sur le sujet dans les jours qui ont suivi sa mort. Encore plus s’il s’agit d’une mort violente, car il y aura eu enquête du coroner. Les journaux aiment rapporter ce genre d’histoire. Comme il n’y a pas de mort suspecte tous les jours, les journaux trouvent leur compte en rapportant tout crime perpétré sur leur territoire, qu’il s’agisse de vol, de fabrication de faux ou de charlatanisme, tout y passe. Et si ces accusés sont trouvés coupables, on en publie périodiquement la liste ainsi que la peine qu’ils ont à purger.

Les journaux donnent également dans le social. Votre parenté recevait de la visite des États? C’était souvent publié dans le journal ! On retrouve de ces notices indiquant que telle famille a reçu la visite d’un oncle, ou bien que telle autre part aux États visiter ses cousins.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce que nous réserve la recherche dans les journaux. Il s’agit d’une source exceptionnelle d’informations qui est de plus en plus accessible à tous. Il est possible de retrouver les journaux anciens dans les centres d’archives, les bibliothèques, les sociétés d’histoire et aussi sur Internet. Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) propose des centaines de titres dans sa collection numérique avec recherche intégrale possible pour certains d’entre eux.



Quelques sources à consulter

  • BAnQ - Revues et journaux archivés du Québec
  • newspaper.com D’autres sites, payants ceux-là, offrent une grande variété de titres, surtout pour le Canada anglais et les États-Unis. 
  • Journaux historiques pour l'Ouest canadien


dimanche 1 décembre 2024

Vous ne portez peut-être pas le nom de votre ancêtre!



Vous vous appelez Languedoc, Sanschagrin, Laframboise ou Saint-Jean? Il y a de fortes chances que votre ancêtre ne portait pas ce nom-là!


Au Québec beaucoup de gens portent aujourd’hui un patronyme différent de celui de leur ancêtre. Ils ont pour nom de famille le surnom de ce dernier ou bien celui porté par un de ses descendants. Certains noms portés par les premiers migrants ont d’ailleurs complètement disparu après avoir été remplacés au fil des ans par le surnom qui leur était respectivement associé.


Une bonne partie de ces surnoms ont été portés par des militaires qui constituent à l'époque le troisième groupe le plus important de migrants après les engagés et les Filles du roi. Dans l’armée, un officier attribuait un nom de guerre, ou surnom, à chaque recrue. Les soldats établis au Canada, alors colonie de la Nouvelle-France, provenaient, selon les époques, du régiment de Carignan-Salières arrivé en 1665, des Compagnies franches de la Marine qui étaient chargées de protéger la colonie dès 1683 et enfin des régiments d’infanterie venus combattre les Anglais lors de la guerre de Sept Ans (1756-1763).


Dans certaines familles, les surnoms sont apparus tardivement afin de distinguer les lignées. Ainsi, les descendants des Lefebvre de la Baie-du-Febvre portent entre autres les patronymes Descôteaux, Labbé ou Laciseraie. Quant à ceux de Paul Hus, ils s’appellent notamment Beauchemin, Capistran, Cournoyer, Latraverse, Lemoine, Millet, Paul, Paulet ou même Paulhus. Attention, à l’inverse, tous les Lemoine ne descendent pas de Paul Hus et tous les Laframboise ne partagent pas le même ancêtre.


Il n’est pas toujours évident de savoir pourquoi tel surnom plutôt qu’un autre a été attribué à un ancêtre. Dans quelques cas, le surnom reprend le patronyme de l’aïeule, citons notamment les Bélisle dit Levasseur, les Lemire dit Marsolet et les Morand dit Grimard. Il arrive aussi qu'il résulte de la contraction des prénom et nom, comme Castonguay (Gaston Guay), Louiseize (Louis Seize) ou Paulhus (Paul Hus). Pour ce qui est des familles seigneuriales, le surnom représente le nom d’un fief ou d’une seigneurie, par exemple les Boucher de Montbrun ou encore les Noël de Tilly.


Les surnoms les plus courants reprennent souvent tout simplement le prénom de l’ancêtre. Germain Gauthier est dit St-Germain. Il peut aussi révéler son origine de manière plus ou moins précise, comme par exemple L’allemand, Langevin, Lyonnais ou Montauban. Le surnom se rapporte parfois au métier que pratique l’ancêtre, tel que Lalancette pour un chirurgien ou Lalime pour les fondeurs ou les serruriers. Il n'est pas rare qu'il décrive une caractéristique physique ou morale, comme Legros, Latendresse, Sansregret, Lespérance. Enfin, dans l’armée on attribuait également des noms de plantes ou de fleurs comme surnom, tel que Latulipe, Larose, Lafleur, ainsi de suite.


Pour terminer, certains surnoms, qu’on retrouve chez nos ancêtres militaires, sont disons plutôt cocasses. En voici quelques exemples: Baisela, Vivelamour, Prêtàboire, Vadeboncoeur, Tranchemontagne, Passepartout ou Laterreur.




Sources


Jetté, René et Micheline Lécuyer. Répertoire des noms de famille du Québec des origines à 1825, éd. SGCF, Montréal, 201 p.
Jetté, René. Traité de généaloggie, Les Presses de l'Université de Montréal, Montréal, 1991. 716 p. (ouvrage épuisé)


Archange Daigneau (1797-1837) ou la femme qui fuit


En tentant de retracer un de mes ancêtres sur le web, j’ai eu toute une surprise. Je l’ai effectivement trouvé, là où je n’aurais sans doute jamais songé à fouiller. Je suis tombée sur une thèse ayant pour sujet la violence domestique à Montréal dans la première moitié du XIX siècle.

Jean Detouin, l’ancêtre que je recherchais, n’était pas à première vue un homme violent. On a plutôt sérieusement menacé d’attenter à sa vie et de mettre le feu à sa maison. Il a dû se résigner et porter plainte contre … sa propre épouse!



Marie Archange dite Julie Daigneau


Marie Archange dite Julie Daigneau naît à Boucherville en 1797. Le 20 juin 1821, lors de son mariage avec Jean Detouin, menuisier récemment arrivé de Belgique, elle vit à Montréal, alors que ses parents habitent à Boucherville. Sa soeur aînée, Marie Josephe, s’est également mariée à Montréal, en 1818, avec François George Lepailleur, notaire. Archange a peut-être habité avec sa soeur. Si c’est le cas, cette cohabitation aura été de courte durée puisque les Lepailleur partent vivre à Châteauguay en 1820.  


Sept mois après son mariage, Archange donne naissance à sa première fille, Marie Elmire. Là encore, le premier enfant arrivait souvent plus vite que les suivants. Elle n’est pas la première femme à se marier enceinte. Trois autres filles naîtront à deux ans d’intervalle chacune: Marie Archange dite Angèle, Henriette et Caroline. La dernière naît en juin 1828, sept ans après le mariage de ses parents. Celle-ci décède cinq jours après sa naissance. Puis, la pénultième décède en décembre 1829. Enfin, Jean Detouin meurt en 1832 lors de l’épidémie de choléra. Les deux aînées se retrouvent orphelines de père et sont prises en charge par un oncle. Mais où est donc leur mère?



Archives judiciaires et registre d'écrou


La déposition de Jean Detouin contre sa femme, le 5 mai 1831, nous éclaire un peu sur la situation de la famille et, par ricochet, sur celle d’autres familles de Montréal à l’époque: «… depuis environ trois années, Julie Daigneau sa femme aurait laissé son lit et sa maison et abandonné ses enfants et serait adonnée à la boisson, vivrait errante et comme une vagabonde et une prostituée. Que depuis mardi dernier qu’elle serait sortie de prison, elle serait venue plusieurs fois trouver le déposant chez lui et plus particulièrement ce jourd’hui, aurait troublé la paix et la tranquillité publique, aurait assailli et menacé de frapper le déposant et aurait fait plusieurs menaces entr’autres qu’elle voulait faire bruler la maison …»


Selon ce document, Archange, qui dans la rue est devenue Julie, sortait de prison et avait délaissé sa maison depuis trois ans. J’ai donc consulté les registres d’écrou de la prison de Montréal à partir de la date de son dernier accouchement. Bingo! Julie est emprisonnée une première fois en novembre 1828 pour vol à l’étalage. On l’accuse du même délit en mars 1829. Les fois suivantes, elle sera emprisonnée pour vagabondage ou pour avoir troublé la paix. 


À y regarder de plus près, Archange est en pays de connaissance en prison. Elle y retrouve la marraine de sa benjamine, Angélique Catafard, qui est également entrée en prison à plusieurs reprises. Celle-ci est entre autres arrêtée sur le Champ-de-Mars, en compagnie d’autres prostituées, par un constable de police qui les décrit comme vagabondes et femmes de mauvaise réputation.


Archange dite Julie Daigneau sera emprisonnée 28 fois et décèdera en prison le 3 février 1837. Elle aura laissé toutes ces traces dans les archives judiciaires. Si je m’étais contentée de consulter les registres d’État civil, d’une part, je n’aurais jamais pu trouver son décès. D’autre part, je n’aurais jamais pu prendre toute la mesure de cette vie de misère qu’a connue cette famille. Enfin, à la lumière de ce portrait, il est légitime de se demander si Jean Detouin est le père des quatre filles d’Archange « Julie » Daigneau.




Suggestion de lecture:


Pilarczyk, Ian C. Justice in the Premises: Family Violence and the Law in Montreal, 1825-1850.